le sentiment d’un manque de soutien

Ces derniers mois (voir années) sont, pour une grande majorité d’entre nous une épreuve. Les diverses règles instaurées pour lutter contre une épidémie mondiale peuvent, à juste titre à mon sens être considérées comme des privations de liberté.
Je ne vais pas dans ces quelques lignes évoquer mon avis sur ces faits ou débattre des nombreuses causes que révèlent la situation actuelle (difficultés de tout le secteur médical, hausse du coût de la vie, isolement des personnes précaires, poison des réseaux sociaux…).

Mais plutôt vous parler d’un sentiment qui sournoisement s’est installé profondément en moi. Il s’agit du sentiment de solitude.
Mais attention, je ne parle pas de la solitude au sens « être seul face à la pathologie », grâce au ciel (mes croyances me feraient dire plutôt grâce à dieu), je ne suis pas seul : ma femme aimante est à mes côtés, mes filles sont ma source d’énergie quotidienne et me le rendent autant qu’elles le peuvent, j’ai des ami(e)s toujours présent(e)s. Je suis entouré.


Mais dis-donc, tu ne serais pas en dépression ?

La dépression touche 30% des personnes atteintes de Sep (sources : https://www.sep-ensemble.fr/symptomes-diagnostic/sep-symptomes-troubles-psychologiques).
Le plus souvent il s’agit d’épisodes d’intensité modérée et après être passé par les phases de déni, de colère et d’acceptation (https://sepamoi.fr/la-colere-et-la-sclerose-en-plaques), il me semblait avoir dépassé cet état et que la dépression était derrière moi.

Je pense que si on se « cantonne » à l’état dépressif au sens maladif du terme (l’état où on broie du noir toute la journée et que rien de positif n’arrive, que la vie est trop dure), oui c’est derrière moi. Mais il ne faut pas dénigrer que la vie est faite de hauts et de bas et lors des bas, les difficultés causées par une sclérose en plaques font rapidement surface comme un seau d’eau jeté en pleine figure te renvoyant l’image du handicap provoqué par la pathologie. Et face à certains moments du quotidien où les difficultés font qu’il est très difficile de réaliser les gestes les plus simples (mettre ses chaussettes, couper une viande, se tenir droit sur sa chaise, tenir un stylo…), oui la dépression peut ressurgir à nouveau.

Un affaiblissement des ressources psychiques alors ?

Comme évoqué plusieurs fois dans ces quelques pages, et visible dans de très nombreux témoignages de sépiens, la sclérose en plaques entretient des vulnérabilités psychologiques. Chez moi, c’est certain, elles fragilisent l’estime de soi, créent un sentiment d’impuissance, une perte de contrôle de sa vie. M’obligeant (nous obligeant) à devoir sans cesse m’adapter à de nouvelles situations et ce, de façon répétée (quelquefois plusieurs fois par jour…).
Au fil du temps les ressources physiques et mentales s’amenuisent. Dans mon cas étant toujours en activité, sollicité par la vie de famille et professionnelle, le repos n’a que très peu de place. Le réservoir des ressources se vide sans se remplir à la même vitesse, provoquant de fait, un affaiblissement jusqu’à l’épuisement.
Par conséquent, je suis moins en mesure de faire face, de me mobiliser pour agir et je perds mon élan, ma force, mon énergie.

T’es épuisé ou t’es pas soutenu ?

Pour essayer de répondre brièvement à cette question, je dirais que c’est lorsqu’on est épuisé qu’on a le plus besoin de soutien. Donc si en ce moment, je suis épuisé (ce qui est certainement le cas lorsque j’écris cet article), il est fort probable que mes besoins d’être soutenu sont plus forts que d’habitude.
Lorsque je parle de soutien, je ne parle pas de l’aide physique du quotidien que mon entourage s’efforce de m’apporter, sans eux mon quotidien serait bien différent, je ne les remercierai jamais assez (si le désir de s’exprimer à leur tour se fait sentir, je leur laisserai la plume avec plaisir 😊).
Non, je parle de ce soutien impalpable, celui qui fait chaud au cœur, celui qui se fait par les mots, la présence.
Le soutien certainement le plus compliqué à donner. Un aidant c’est la personne sur laquelle le patient compte physiquement, mais c’est aussi celui qui écoute, qui es compréhensif, attentif, rassurant, bienveillant. Cela n’est pas écrit dans les livres et un aidant « pro » a reçu une formation pour lui permettre d’être outillé, lui facilitant ce besoin nécessaire à toute personne atteinte de troubles.
Mais lorsque l’aidant est ta compagne, elle doit se débrouiller seule et ce n’est pas celui qui a besoin de soutien qui est le plus à même d’exprimer correctement les formes de ce soutien « impalpable »

Alors, soutenir comment ?

Le soutien dont une personne atteinte d’une pathologie telle que la sclérose en plaques, pourrait se définir sous 2 formes :

- Le soutien physique :

Celui du quotidien, « le plus facile ».
Celui qui va consister à limiter les difficultés liées à son handicap : s’assurer que l’environnement est adapté au déplacement, s’assurer que les besoins élémentaires sont à portée de main, faire quelque fois à la place sans toutefois tomber dans le systématique (sûrement le plus compliqué) …
J’insiste sur les guillemets lorsque je dis « le plus facile » car il s’agit d’une aide propre à chaque individu (une personne en fauteuil roulant n’aura pas les mêmes besoin de circulation qu’une personne déambulant avec une canne)

-Le soutien psychique :

Celui impalpable, « le plus compliqué »
Celui nécessitant de la part de l’aidant : attention, disponibilité, compréhension et bienveillance.
Celui où les paroles prononcées peuvent avoir des impacts insoupçonnés chez la personne malade. Des paroles telles que : « fais un effort », « secoue-toi », « fais preuve de bonne volonté », « c’est juste une marche », « c’est que quelques heures de route » … sont fortement déconseillées et je vous assure que c’est blessant.
Le discours moralisateur n’a, à mon sens, pas sa place. Il ne fait que renforcer le sentiment de culpabilité et se retourner contre l’aidant (c’est tellement plus simple de culpabiliser le malade…)

Un excellent article sur www.acteurdemasante.lu (https://acteurdemasante.lu/fr/psychiatrie/la-famille-et-lentourage-aider-oui-mais-comment/), parle très bien du rôle de la famille et de l’entourage dans l’aide dont un proche peut avoir besoin lors de faiblesses. L’article fait référence à la dépression, pourtant la vision de l’aidant y est très explicite

En conclusion

Quand je me relis, je constate qu’être un proche aidant est certainement aussi difficile qu’être celui qui a besoin d’aide. C’est la raison pour laquelle, malgré un titre qui pourrait blesser mon entourage direct (pas simple de s’entendre dire « je manque de soutien »), je tiens à la remercier, elle, ET tout mon entourage pour l’empathie et la bienveillance dont ils font preuve au quotidien à mon égard et dieu sait que je ne lui/leur facilite pas la vie.
J’espère à travers ces quelques lignes avoir apporté une vision plus éclairée sur certains mots ou attitudes que j’ai pu avoir et que malheureusement j’aurai certainement encore (pourtant je travaille vraiment pour les éviter). Mais surtout, être arrivé à exprimer tout le respect que j’ai pour tous ces proches-aidant qui subissent nos humeurs et qui sont toujours là pour nous.

MERCI MON CŒUR, MES FILLES POUR TOUT CE QUE VOUS AVEZ FAIT POUR MOI ET ALLER ENCORE FAIRE.

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A propos de l'auteur

Jean-Noël ODIN

Jean-Noël ODIN

Sépien depuis 2011, je vous partage mon histoire chamboulé par l'annonce d'un diagnostique qui a donné naissance à un nouveau moi.
Ma Sep à moi ou comment la Sep a modifier ma vie.

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4 commentaires

  1. Cette réflexion m’amène à conseiller la lecture du dernier livre de Christophe André  » Consolations » , ou au moins d’écouter en podcast les émissions dans lesquelles il a fait la promo de son livre. Il dit en gros que Soigner ou s’Efforcer de soigner, c’est bien, mais qu’il faut aussi Consoler. Son discours m’a vraiment parlé. Il encourage l’empathie et s’éloigne un peu de la fameuse « neutralité bienveillante  » que je trouve inapplicable si on veut être humain autant que soignant….
    Toute mon amitié, Jean-Noël ! Et bien le bonjour à Sandrine !??

  2. Jean-noel
    Je viens de lire tes lingnes et mon regard pro va s’exprimer.
    D’abord sur la forme tes phrases gagnent en qualité de part leurs structures il me semble aussi qu’il y a une sonorité dans le lexique que tu emploie. Ensuite le fond où la sincérité se sent avec toute la complexité et le rouage de cette maladie . Il est terriblement difficile de parler de ces impacts invisibles et je dois dire avoir été très touchée. Continue d’écrire tes textes sont d’une grande qualité. Nous ne nous voyons pas souvent mais nous sommes proches tout proches
    Dominique ta voisine

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