La colère et la sclérose en plaques

Il est reconnu qu’après l’annonce d’une pathologie chronique telle que la sclérose en plaques, un processus psychologique se met en marche : déni, colère, acceptation. Et après ?

Du déni à l'acceptation

Le déni

Tout commence par l’annonce du diagnostic. Peut-être même un peu avant. Dans mon cas, avec le recul, je suis certain que j’ai refusé (il y a quelques temps j’aurais dit « pas entendu ») de voir que mon corps s’affaiblissait et qu’il y avait un souci.

Pendant une période, plus ou moins longue suivant les personnes on refuse la situation et c’est encore plus facile quand les troubles sont peu perceptibles.
Chez moi, je dirais que le déni a duré quasiment 7 ans. Pendant ces 7 années qui ont suivi le diagnostic, j’ai continué ma vie: un boulot épuisant, du bricolage, de la mécanique, du sport… Pourtant les conséquences étaient quelques fois lourdes. J’avais besoin d’un temps de récupération plus long, les douleurs musculaire plus fortes… une sieste ou une bonne nuit de repos ne suffisaient souvent pas.

La colère

Petit à petit c’est la colère qui prend le dessus. Sans que je m’en rende vraiment compte, j’étais en colère après ce nouvel intrus que je n’avais pas invité dans mon quotidien. Je n’avais rien demandé à personne!!!! On dit souvent qu’on choisit ses amis, pas sa famille. Elle (la sclérose en plaques), ce n’est pas ma famille et pourtant je ne l’ai pas choisi, alors c’est quoi, BORDEL ?????
Pour calmer cette colère, je n’avais pas d’autre choix que de l’extérioriser et malheureusement c’est mon entourage qui a subi mes humeurs souvent « violentes »  (fort heureusement que des violences verbales), et encore aujourd’hui 🙁 (EXCUSEZ-MOI :-)).

L'acceptation

Ne pouvant plus cacher les choses, car je finis par avoir besoin d’outils d’aide à la mobilité, je finis par dire les choses.

Le souvenir le plus marquant, c’est le jour où mon voisin me voyant régulièrement avec une canne me dis :
– Ça va pas mieux ?  pensant certainement à un traumatisme articulaire.
Au lieu de trouver une excuse bidon, je lui réponds :
– Malheureusement non et ça risque de s’empirer. J’ai une sclérose en plaques »
Mes voisins sont adorables (certainement ceux que tout citadin aimerait avoir 🙂 ), et ce jour là, je n’ai vu ni peine, ni pitié simplement une réponse simple mais lourde de sens que bon nombre de personnes devrait prendre en exemple :
– Zut, depuis quand ?

S’en est suivie une discussion (nous avions déjà de très bons rapports) tout ce qu’il y a de plus normal.
C’est tellement rare, que ça a le mérite d’être évoqué. Souvent c’est plutôt des regards compatissants, des jugements… ce qui place finalement « l’handicapé » dans une situation désagréable

C’est certainement une situation comme celle-ci associée à l’acceptation de mes filles où j’ai enfin pris conscience que cacher les choses c’était lutter contre, plutôt que vivre avec cette invitée surprise.

Et après l'acceptation ?

Tout va bien, j’ai passé le cap du déni, puis celui de la colère, j’accepte enfin. Je vais aller mieux, j’ai tout compris!!!!
Combien de thérapeutes ont entendu cette phrase : 

j’ai tout compris, je vais aller mieux

Et bien je vous confirme qu’on n’a pas fini de chercher à comprendre et que cela n’est pas une fin en soit. Cette invitée n’a pas terminé de nous surprendre. 

Une autre forme de colère ?

Je suis suivi (oui c’est plus sympa à dire que de dire « je vois un psy ») depuis plusieurs années et lors de mon dernier RDV, j’ai découvert une forme de colère que je n’avais envisagé comme cela.

J’évoquais souvent lors de mes séances le fait que mes enfants me fatiguaient, m’énervaient pensant qu’elles sont « insupportables » (toujours à se disputer, se taquiner…).

Et bien je vais vous surprendre (en tout cas ça m’a surpris). 

Est-ce après elles que je suis en colère ou après moi ?

En réfléchissant un peu :suis-je en colère parce qu’elles font du bruit ou suis-je en colère parce que je ne sais pas ce qu’elles font ?
Etant « bloqué » dans mon fauteuil roulant, ou à mon bureau, étant fatigué et que me déplacer est compliqué je ne connais « jamais » les raisons du bruit (et c’est pire si c’est à l’étage) et reconnais que cela me gonfle.

Donc je crie et leur demande une explication!!!!

En conclusion

On parle souvent d’un état physique ou émotionnel avec des hauts et des bas dans la sclérose en plaques. Finalement peu des différentes formes de colère. Du moins c’est comme cela que j’analyse les faits que je viens de décrire.

Aujourd’hui, j’ai envie de dire que je ne suis plus en colère contre la sclérose en plaques en tant que maladie, j’ai accepté sa présence. Par contre je suis en colère contre les conséquences.
Certains diront que c’est pareil, pas moi. Parce que ce qui me met en colère c’est mon manque de mobilité qui est en fait un effet secondaire (comme une victime collatérale) de la pathologie. Ce qui me met en colère aujourd’hui c’est de ne pas pouvoir voir ce qui se passe autour de moi. Comme si voir me permettrait de maitriser.

Finalement une fois que l’acceptation est installée, n’y aurait-il pas des va et vient entre colère et acceptation ?

Je serais curieux de connaitre votre avis 😉

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A propos de l'auteur

Jean-Noël ODIN

Jean-Noël ODIN

Sépien depuis 2011, je vous partage mon histoire chamboulé par l'annonce d'un diagnostique qui a donné naissance à un nouveau moi.
Ma Sep à moi ou comment la Sep a modifier ma vie.

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4 commentaires

  1. Sacré Gillou ?
    En effet, tu as fait de ta colère, bien légitime, quelque chose qui te rend service, comme une capacité à la rébellion que tu réinvestis en persévérance, voire en pugnacité.
    C’est pourquoi quand tu râles, tes potes se marrent, sachant que c’est bon signe.

    Bises à toi ainsi qu’àJean-No et sa petite famille.

    Marc.

  2. Janno, on accepte pas, 23 ans que je suis tétra ai je n’ai toujours pas accepté et bon nombres sont comme moi, je dirais plutôt…qu’on fait avec, ce
    fardeau nous est tombé sur le coin de la tronche et on vis quand même, pour soi et pour les autres, se morfondre dans un coin n’apportera que plus
    de douleurs et de peine mais jamais accepter cette vie et condition de merde!!

    Pour la colère, elle est salutaire pour moi, c’est elle qui me permet de tenir jours après jours, années après années, elle me permet de faire des choses au quotidien, de vivre ma vie.
    Cette colère n’est pas tournée vers autrui, elle est intérieure.

    Une grosse bise a vous quatre.

    Gilles

  3. Encore un très bel article.?. En ce qui me concerne, je n’ai jamais connue la colère. Accepter la maladie m’a pris du temps, mais actuellement, je suis en plein désespoir ?

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